03 février 2009

Futur antérieur du passé recomposé

La Vie derrière soi

Chronique d'une jeunesse sacrifiée
Par Emilie Gary

La première chose que je peux vous dire c'est qu'on habitait au 3) étage avec ascenseur et que  Giulia, avec tous les sous qu'elle y mettait dans cet appart' de seulement deux pièces, c'était une vraie source de vie quotidienne, avec tous les soucis et les peines.
C'était pas grand mais suffisant pour deux. Sans animaux. Y avait du vis à vis rue du Soucy. Dans l'appartement d'en face, celui qu'on appelait le mouroir, ils étaient deux aussi. Deux hommes. Un vieux et un plus vieux, tout barbu et tordu. Le moins vieux, il peignait des tableaux, décorait la maison et gueulait tous les jours de 9h à 11h et de 15h à 16h sur le très vieux. Même que des fois on croyait qu'il y passerait, par la fenêtre ou par une crise cardiaque. On appelait cet appartement le mouroir, du fait que tous les locataires qui y habitaient finissaient par disparaître dans des délais étonnement courts. D'où notre inquiétude pour le très vieux.
Nous aussi on gueulait parfois; mais vers  20h-20h30, durant le journal télévisé. On gueulait quand on nous racontait qu'il allait falloir travailler 39h par semaine durant 41 ans (au début) et sans être assuré d'avoir une retraite. Moi, mon taf, même s'il est agréable parfois, jl'aimais pas tant que ça, et de moins en moins à cause de mon patron. On m'a dit "travailler plus pour gagner plus"...J'ai commencé à tirer la gueule sachant que le retard, il était pas du côté du nombre d'heure que j'effectuais mais du coté des augmentations de salaire : 1080 euros net par mois pour un bac +4 trilingue. C'était le salaire d'une caissière après 10 ans d'ancienneté, alors il paraissait que je devais pas me plaindre. Même si le moindre appart' se louait 600  euros par mois dans ma jolie ville de Nice, là où le maire est un motard, mais dont le prénom n'est pas Patrick. En 2007, ce monsieur, qui voulait devenir maire après avoir été secrétaire à l'outre mer, avait lutté pour que les niçois prennent le bus dans tous le département pour un euro. Mais lui voyageait parfois en jet privé: 138 000 euros pour le trajet le plus long: New York-Nice via Paris. C'était l'année du Grennelle de l'environnement.
J'avais attendu la fin de l'année et mon entretien annuel d'évaluation avec mon patron sarkozyste (c'est comme totskiste mais en moins rouge et plus brillant, "bling-bling" in english) : lorsque je lui ai demandé 10% d'augmentation suite à mon investissement et aux excellents résultats obtenus, mon patron était devenu tout pâle (et non pas tout rouge comme expliqué précédement) en me demandant si j'avais une réelle  connaissance du monde du travail...Dix ans que je trimais déjà! Il m'a dit que je devais me satisfaire de 2,5% ce qui est déjà énorme. Ma connaissance de la vie me faisait surtout comprendre que c'était, cette année là, l'augmentation de base calculée sur le coût de la vie, soit égale à l'inflation. En résumé, je ne gagnai rien de plus. Alors j'ai fini par comprendre: "travailler plus pour qu'ILS gagnent plus". Par "ILS", tu pouvais entendre ton patron et le Président. Parce que moi, je vois bien que travailler ça ne me rend pas plus riche. Le Président Sarkozy, il avait décidé d'être transparent. Autrement dit, de nous prendre tout notre argent mais en nous le disant, alors que ceux d'avant, ils ne le disaient pas. Parce qu'après tout, le Président, c'est le super méga ultime fonctionnaire, et les fonctionnaires, ben ils  sont payés par nos impôts. Il avait augmenté son salaire de Président dans un souci de transparence: à peu près 20 000 euros. Par mois, pas par an! J'ai d'ailleurs appris à cette époque que les hommes politiques aussi avait peur du chômage, alors pour éviter leur angoisse, on leur maintenait leur salaire de ministre 6 mois après qu'ils aient été remerciés. La précarité en politique, c'était horrible. "Allons enfants de l'infamie, le jour du glaive va arriver.."
 
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